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Les eaux souterraines, une ressource vulnérable et dégradée

Page mise à jour le 23-12-2011

La qualité des eaux souterraines, et notamment de la nappe d'Alsace, est soumise aux fortes pressions liées à l'industrialisation ancienne de la région, à l'agriculture intensive et à la densité de population. Elles s'exercent soit directement par infiltration des polluants, soit indirectement par l'alimentation des nappes par les cours d'eau. Selon la qualité des cours d'eau, les conséquences sont un effet de dilution pour certains polluants dont la nappe est chargée (cas de l'Ill et du Rhin) ou au contraire des apports de pollution dans la nappe (cas des cours d'eau du piémont oriental du Sundgau).

1. Encore d'importantes pollutions industrielles

 

1.1. Une pollution par les solvants chlorés dans la plaine d'Alsace

Présence de solvants chlorés dans les eaux souterraines
Cartographie DREAL Alsace

En 2006, le nombre de points de mesure montrant des signes de contamination des solvants chlorés apparaissait stable (source RBES 2006), voire en régression sur certains secteurs suite à des actions de dépollution (agglomération de Strasbourg, Molsheim ou Haguenau).

Les contaminations observées sont dues à des pollutions ponctuelles (fuites, accidents) mais qui, vu l’utilisation répandue de ces produits et leur entrainement vers la nappe par les eaux de pluie, tendent à prendre un caractère plus diffus. Les concentrations les plus élevées se retrouvent au niveau des agglomérations et des zones industrielles.

En 2006, la limite de potabilité de 10 μg/l pour la somme du tri- et du tétrachloroéthylène était dépassée en 2 points (Duttlenheim et Scherwiller) sur les 22 observés en plaine d'Alsace.

La pollution par les solvants chlorés a été réévaluée à l'occasion de l'inventaire 2009 réalisé par la Région Alsace. Les données, en cours de traitement, semblent montrer une amélioration.

1.2. Une pollution historique par les chlorures en aval des mines de potasse en voie de résorption

Les mines de potasse d’Alsace, exploitées de 1904 à 2002, ont très fortement façonné l'économie et la géographie d'une région devenue le "bassin potassique", secteur compris entre Mulhouse, Cernay, Guebwiller et Ensisheim. Les mines de potasse extrayaient la sylvinite (chlorure double de potassium et de sodium). La quantité de sels résiduaires du traitement de la potasse sortant des fabriques s'élevait à environ 6 millions de tonnes par an. Ils ont d’abord été systématiquement mis en terrils puis, à partir de 1934, en majeure partie dissous et rejetés dans le Rhin (débits autorisés définis dans le cadre de la convention de Bonn) sous forme de saumures par un canal ouvert dit "saumoduc".

L'exploitation des mines de potasse est à l'origine d'une pollution de la nappe d'Alsace. Les eaux de pluie s'infiltrant dans les terrils se chargent en sels avant de gagner la nappe. L'eau chargée en sel progresse dans le sens d'écoulement de la nappe, les saumures plus denses descendent à la base de l'aquifère et se déplacent peu mais relarguent des chlorures. Il existe, en aval du bassin potassique, deux panaches d'eaux polluées de plus de 20 kilomètres de longueur, connus sous les noms de "langues salées" est et ouest, qui affectent l'alimentation en eau potable. En 1975, plus de 135 km² de surface de la nappe étaient affectés d'une salinité dépassant 200 mg/l (limite de potabilité de l'époque aujourd'hui harmonisée au niveau européen à 250 mg/l), la pollution saline affectant aujourd'hui moins de 50 km². Le saumoduc a connu par le passé des fuites accidentelles également à l'origine d'une contamination de la nappe, aujourd'hui complètement résorbée (voir aussi La poursuite de la résorption des pollutions industrielles).

La pollution par les chlorures a été réévaluée à l'occasion de l'inventaire 2009 réalisé par la Région Alsace. Les données sont en cours de traitement mais les premiers résultats semblent confirmer la régression de la pollution.

Par ailleurs, une étude de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), conduite dans les années 1980, a montré que l’irrigation à partir d’eau de la nappe, là où elle est chargée en chlorures, méritait attention : sont donc concernés le sud de la Hardt et la basse plaine de l’Ill (entre Mulhouse et le sud de Colmar).

 

1.3. Des pollutions ponctuelles persistantes

Les données issues de l'auto-surveillance de la qualité des eaux souterraines au droit des installations classées pour la protection de l'environnement montrent la présence de polluants comme les hydrocarbures, certains métaux, les solvants chlorés... dans la nappe au droit ou en aval des industries. D'après l'analyse de ces données pour l'année 2008 réalisée par le BRGM à la demande de la DREAL et de l'Agence de l'eau, pour 70% des 195 sites étudiés (jugés prioritaires sur environ 500 sites pour lesquels il existe une surveillance des eaux souterraines) on observe un dépassement de seuil admissible (seuil de potablilité ou autre) pour un ou plusieurs paramètres. Par ailleurs, l’analyse par sites des évolutions montre qu'une majoritéd'entre eux accuse une dégradation de la qualité des eaux souterraines.

2. Une contamination par les phytosanitaires et les nitrates qui reste préoccupante, malgré une tendance à l'amélioration

 

2.1. Les phytosanitaires, premier facteur de déclassement de la qualité des eaux souterraines

Présence de produits phytosanitaires dans les eaux souterraines
Cartographie Région Alsace

La pollution par les produits phytosanitaires (herbicides, fongicides, insecticides) est en majeur partie due à l'agriculture mais aussi à l'entretien des voiries, du réseau ferré et des zones urbaines, ainsi que des jardins des particuliers. Ces produits se révèlent stables dans les eaux souterraines et la pollution est durable. Les phytosanitaires sont ainsi présents, à des degré divers, dans toute la nappe d'Alsace, même pour des produits interdits d’assez longue date. Les inventaires réalisés par la Région montrent que l’atrazine, interdit en 2003, et ses métabolites continuent à être détectés sur plus de 86% des points de mesure, le nombre de points où la limite de potabilité (0,1 µg/l) est dépassée diminuant toutefois de manière significative. D’une façon générale, la partie amont de la plaine au sud de Colmar et le Sundgau restent fortement contaminée.

 

La multiplicité des substances retrouvées pose par ailleurs la question de l’effet combiné des molécules présentes à très faibles doses. A titre d'exemple, une quarantaine de substances différentes ont été détectées en 2009 dans la nappe d'Alsace. Cela implique une veille constante pour les identifier et les prendre en compte dans les programmes de mesure.

 

2.2. Une contamination par les nitrates qui reste préoccupante dans certains secteurs

Présence de nitrates dans les eaux souterraines
Cartographie Région Alsace

Si l’application d’engrais organiques ou minéraux et les pratiques culturales permettent d’améliorer les rendements agricoles, il subsiste toujours un excédent d’azote qui peut entraîner une augmentation des teneurs dans le milieu naturel. Et les sols laissés nus en hiver par les cultures de printemps favorisent le lessivage des nitrates. Les effets sur la qualité des eaux sont variables, car ils dépendent de multiples paramètres (climat, sols, rendement...). Les inventaires montrent une légère amélioration de la teneur moyenne en nitrates dans la nappe d'Alsace, de 27,5 mg/l en 1991 à 25 en 2009. Cela s’explique pour partie par une baisse des valeurs maximales mesurées. Toutefois le nombre de points présentant des valeurs préoccupantes reste élevé : 18% dépassent le seuil d’alerte de 40 mg/l (sensiblement plus qu’en 1991) et 11% le seuil de potabilité de 50 mg/l.

Les zones de faibles concentrations (moins de 10 mg/l), sont situées surtout au nord de Strasbourg, où elles sont à mettre en relation avec la présence de sols très réducteurs favorisant les phénomènes de dénitrification, ainsi que le long du Rhin, où s’infiltrent des eaux du fleuve peu chargées en nitrates. Le sud-est de la plaine, en bordure du Rhin, à l’aval hydraulique des industries agroalimentaires de Chalampé-Ottmarsheim, et le centre sont caractérisés par des valeurs comprises entre 25 et 50 mg/l. Dans le centre, l’amélioration de l’état de la nappe peut être mis en relation avec l’amélioration des pratiques de gestion de l’azote mis en évidence dans le cadre des opérations Agrimieux (voir aussi Les actions relatives aux nitrates et phytosanitaires). Excepté l’amélioration notable constatée dans la partie sud du Piémont oriental du Sundgau, on constate une persistance des zones de très fortes teneurs, supérieures à la limite de potabilité de 50 mg/l, localisées essentiellement le long des collines sous-vosgiennes, dans le versant oriental du Sundgau autour de Habsheim et dans le secteur Sud du pliocène de Haguenau.

3. De nombreux captages avec des eaux brutes dégradées


L'usage de l'eau souterraine pour l'alimentation en eau potable est localement remis en question par les pollutions évoquées ci-dessus. Ainsi une vingtaine de captages difficiles à protéger ou trop pollués (nitrates ou phytosanitaires) ont dû être abandonnés entre 1998 et 2008. Le SDAGE identifie 99 captages (au sein de 56 "aires d'alimentation") sur 1400 dont les eaux brutes (avant traitement ou mélange) sont dégradées (voir Des aires d'alimentation de captages à reconquérir en priorité).

En ce qui concerne les eaux distribuées, les normes de qualité bactériologique sont toujours respectées et 95% de la population consomme une eau d'excellente qualité bactériologique (sur la période 2007-2009). En revanche un peu plus de 9% de la population du Haut-Rhin et 2% de celle du Bas-Rhin est desservie par une eau non conforme sur le plan physicochimique, principalement en raison de la présence de produits phytosanitaires.

4. Un objectif de bon état qui ne sera pas atteint en 2015

 

Compte tenu de l'importance de leur contamination, les ressources en eau souterraine les plus stratégiques de la région, que sont la nappe d'Alsace et celle du Sundgau, n'atteindront pas l'objectif de bon état en 2015, tel que défini par la directive cadre sur l'eau. Dans les deux cas, mais aussi pour la nappe du Jura et celle du champ de fracture de Saverne, l'échéance est reportée à 2027. Toutefois, l'objectif est que la majeure partie de la nappe d'Alsace atteigne le bon état en 2021 et l'échéance 2015 doit être respecté au droit des captages. Seules les nappes des grès vosgien ont un objectif d'atteinte du bon état en 2015.